Les DCP ne sont pas simplement des technologies visant à augmenter la productivité de la pêche et les bénéfices des pêcheurs. Ils sont générateurs d’enjeux sociaux dans la mesure où les acteurs de la pêche (marins, capitaines, armateurs, conserveurs, scientifiques, gestionnaires, ONG) ont des attentes, des savoirs et des points de vue différents quant à leur utilité et leur usage.

Ces divergences sont source de tensions qui se situent dans le contexte plus large de la double opposition entre exploitation et conservation des ressources marines et, concernant le premier terme de cette première opposition, entre productivité et durabilité.

Les DCP s’insèrent dans un environnement sociotechnique de plus en plus sophistiqué et ramifié.
En parallèle avec les notions de piège écologique et halieutique associées aux DCP (voir enjeux écologiques et halieutiques), ceux-ci ne génèrent-ils pas un risque de piège socioprofessionnel, dans la mesure où l’usage des DCP transforme profondément le métier de marin-pêcheur selon une ligne qu’ils n’ont pas nécessairement choisie ?


La question de la durabilité du point de vue des sciences sociales se pose donc non seulement en termes de gouvernance des ressources, mais aussi de mutations du métier de marin-pêcheur et des inégalités sociales internes à un secteur mu par un modèle technico-économique de plus en plus capitalistique et financiarisé, où les DCP génèrent une forme de piège économique par la dépendance économique qu’ils entraînent (voir enjeux économiques).

L’action des DCP a pour cadre la tension structurelle entre exploitation et conservation, et c’est dans cet espace que se déploient les points de vue, les préoccupations et les enjeux des différents acteurs quant à l’usage des DCP.

Ces points de vue sont divers, souvent dépendants du contexte, et un même acteur peut être porteur de visions différentes voire parfois contradictoires.

Ce sont ces attentes, points de vue et tensions qui doivent être identifiés, analysés et scénarisés dans des objectifs de gestion concertée et durable de la ressource, mais l’analyse doit également permettre d’examiner si les DCP peuvent générer un piège socioprofessionnel.

La gestion des flottes de pêche thonière est réalisée au sein des ORGP, en particulier l’ICCAT et la CTOI. Ces arènes rassemblent de nombreux acteurs (armateurs, associations d’armateurs, ONG, conserveurs, instituts de recherche, représentants de ministères nationaux et européens).

Il s’agira d’étudier, au cours du temps, les modes d’action (e.g. lobbying, financiarisation, contrôles, productions scientifiques), les positionnements des acteurs, leurs différentes perceptions sur l’utilisation des DCP et leurs impacts, pour modéliser le processus actuel d’adoption des mesures de régulation en fonction des savoirs et intérêts sociaux, économiques et écologiques respectifs.

Afin de préparer l’approche MAMCA – multi-actor multicriteria analysis – (voir Outil de gestion), les critères de décision de chaque acteur ainsi que leur pondération seront collectés durant les enquêtes réalisées auprès d’eux.

Par des enquêtes auprès des acteurs et des embarquements sur des navires, des données seront collectées sur les points de vue, les préoccupations et les enjeux des différents métiers (patrons de pêche, matelots, capitaines d’armements, association d’armateurs, scientifiques) de la filière française, avec une attention particulière sur les métiers absents ou peu représentés des cercles de décision des mesures de régulation de la pêche thonière (les marins).

L’analyse de ces données permettra d’étudier les transformations sociotechniques de la pêche au thon tropical et d’estimer les effets de différents scenarios de gestion des DCP sur l’évolution des métiers de cette filière.

Cette étude de la mutation des métiers en lien avec l’usage des DCP apporte une approche originale et indispensable pour prendre en considération les mises en application pratiques (et leurs obstacles éventuels) des mesures de gestion des DCP.